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La Commission déclenche la colère des agriculteurs européens

Les propositions sur le budget de la Pac font l'unanimité contre elles. Le Copa Cogeca manifestait déjà à Bruxelles ce 16 juillet 2025.

Les organisations agricoles partout en Europe ont fustigé les propositions de la Commission européenne pour le prochain budget et la réforme de la Pac.

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Le début des négociations pour le prochain budget européen s’est transformé en douche froide pour le monde agricole. Au terme d’une journée interminable, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a dévoilé le 16 juillet 2025 ses plans pour le cadre financier pluriannuel 2028-2034, déclenchant la colère des organisations agricoles européennes.

Levée de boucliers

Pour la FNSEA, il ne s’agit pas moins que d’une « provocation » et d’un « un désengagement clair de l’Union européenne vis-à-vis de sa seule véritable politique commune ». Car tandis que le budget du bloc européen proposé atteindrait 2 trillions d’euros, celui de la Pac se verrait, lui, amputé de près de 30 %.

Présent à Bruxelles avec d’autres syndicats agricoles européens, Arnaud Rousseau le président de la FNSEA n’a pu que constater les dégâts. « On nous avait promis des consultations. On nous avait promis des évolutions. Nous ne récoltons aujourd’hui que des provocations ! fustige-t-il avant de prévenir. Si la Commission persiste à se boucher les oreilles, nous reviendrons à Bruxelles pour nous faire entendre plus fort. »

Pour Jeunes agriculteurs (JA), « la Pac devient une sous-politique, sous dotée financièrement, estime le syndicat en espérant des modifications. La Commission brade notre souveraineté agricole et alimentaire. Elle doit immédiatement revoir sa copie ! »

La Coordination rurale réagit aux annonces de la Commission, avec la même déception et fustige les arbitrages annoncés. « Les aides devraient plus que jamais se concentrer sur les agriculteurs des pays membres de l’Union européenne », appuie-t-elle, en pointant les programmes d’aide à l’Ukraine et la Turquie notamment. La possible renationalisation de certains dispositifs inquiète aussi le syndicat.

« Les aides de la Pac doivent être fléchées vers les seuls agriculteurs et non saupoudrées en partie au profit des collectivités territoriales ou des entreprises, sous divers prétextes », exige l’organisation. Véronique Le Floc’h, sa présidente souligne par ailleurs « la concomitance entre ces annonces concernant l’avenir de la Pac et la volonté de la Commission européenne de voir signer à tout prix l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur ».

Le Collectif Nourrir, dont fait partie la Confédération paysanne, n’est pas plus enthousiaste. « La Commission européenne joue un jeu dangereux en abandonnant la question politique de l’avenir de notre agriculture et de notre alimentation, pointe l’organisation. La Commission européenne se veut en rupture avec la Pac actuelle mais s’inscrit dans la continuité du soutien à une agriculture productiviste qui ne va pas dans le sens de notre résilience alimentaire. »

Cette nouvelle structure du budget à venir, n’est pas non plus du goût du Modef et son coprésident national Frédéric Mazer. « Déjà qu’on avait un peu déshabillé la Pac avec le Plan stratégique national… Si on transfère tout aux États, on va finir par leur dire qu’ils doivent se débrouiller financièrement, c’est la prochaine étape », craignent-t-ils.

« Il faut que l’Union européenne garde la main et ne donne pas un blanc-seing aux États ». Conscient de n’être qu’au début du processus, le syndicaliste anticipe. « On sait que le budget va diminuer et il faudra faire en sorte que cette baisse ne touche que les plus gros bénéficiaires, espère-t-il. Les petits, on ne peut pas leur baisser le budget ou alors, on aura un vrai problème social. »

La crainte du démantèlement

Au-delà du montant, les agriculteurs européens n’ont pu que constater la volonté de l’exécutif européen de fusionner le budget de la Pac avec d’autres fonds comme celui de la cohésion, laissant aussi davantage de responsabilités aux États membres. « La Commission a effectivement décidé de démanteler la nature « commune » de la Pac par le biais de coupes budgétaires dissimulées sous le couvert d’un soi-disant « Fonds unique » », déplore de son côté le Copa Cogeca, syndicat des agriculteurs et coopératives européens et présent lui aussi en manifestation à Bruxelles. « Est-ce que ça peut être interprété comme autre chose qu’un message d’abandon, d’indifférence et de manque de priorité stratégique pour l’agriculture et les communautés rurales ? » s’interroge-t-il.

L’organisation paysanne Via Campesina voit une Commission européenne « ignorer les demandes de tous les acteurs de l’agroalimentaire pour un budget Pac fort et des mesures de régulation du marché pour garantir des prix équitables aux agriculteurs ». Elle craint en outre les effets directs de ces choix budgétaires.

« La capacité de l’Union européenne à réaliser une transition plus durable et agroécologique et à lutter contre la crise climatique sera mise en concurrence directe avec d’autres mesures de cohésion, créant une situation perdant perdant pour la société européenne », anticipe-t-elle.

Début des négociations

En attendant plus de détails, de la Commission européenne, la défiance est presque totale. Joachim Rukwied, président du DBV, principal syndicat allemand n’est lui non plus pas tendre avec les propositions de sa compatriote Ursula von der Leyen. « La Commission faillit à son rôle de gardienne des traités européens, juge-t-il. Il appartient désormais aux États membres et au Parlement européen de rappeler à la Commission sa responsabilité de renforcer la compétitivité de l’agriculture ». Car ce budget, qui devra être validé par le Parlement européen et à l’unanimité par les États membres, n’en est qu’au début des négociations.

« Un désastre »

Le Coldiretti italien n’est pas en reste et qualifie l’ébauche de budget de « désastre » et se prépare aussi à se faire entendre pendant la période de négociations qui s’ouvre. « Ça ne s’arrête pas ici !!, avertissent-ils. Ce sera une mobilisation permanente pour les deux prochaines années contre ce plan mortifère pour l’agriculture, pour la sécurité alimentaire, pour l’Europe ».

Le LTO néerlandais craint lui « une grande inégalité et les conditions de concurrence entre les agriculteurs ». Anticipant des stratégies nationales plus ou moins généreuses pour soutenir le secteur. Sur le manque de détails dans les propositions, le syndicat y voit un « écran de fumée » volontaire.

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